Introduction
L'estampe ci-dessous qui présente deux courtisanes de haut niveau accompagnées de leurs apprenties, pendant la période des cerisiers en fleurs. C'est une bonne introduction à l'organisation et la hiérarchie régnant dans le Yoshiwara (pour l'histoire de quartier, se référer aux deux posts précédents). Car au Japon, tout doit être formalisé et que rien ne peut exister sans une hiérarchie claire entre tous les acteurs, tant pour les maisons de passe que pour les travailleuses (Yujo).
On voit ci-dessous une courtisane de haut niveau (Oiran ou Tayu) accompagnée de sa Kamuro, fin du XIXème siècle. On retrouve bien les kimonos fastueux ainsi que les coiffures complexes, et la coiffe de la Kamuro. Kamuro signifie chauve car les petites filles étaient tondues jusqu'à 10 ans. Avec ces deux personnages, on a les deux niveaux opposés de la hiérarchie dans le Yoshiwara.
Tout d’abord les maisons de passe.
Elles étaient classifiées selon la taille de la grille (Magaki) derrière laquelle les Yujo attendaient le chaland : plus la grille est importante plus la maison était de haut niveau
Les Omise avaient une «grande grille» (Omagaki), qui couvrait toute la façade.
Les Nakamise : le quart supérieur droit de la grille était ouvert.
Pour les Komise la moitié supérieure de la grille était absente.
Voici la réalité de ces "grilles"
En dessous de cette catégorie on trouvait le Kirimise (magasin de petite monnaie), où les tarifs étaient les plus bas. Ces Kirimise étaient localisés sur les allées périphériques du Yoshiwara alors que les Omise étaient tous localisés dans la rue principale.
Noter que le nom Mise a en fait un double sens (grâce à la magie des idéogrammes) : il signifie d’une part magasin 店, et d’autre part voir le monde 見世 (à travers les grilles). C’est cette deuxième écriture qui est formellement utilisée.
Sur le plan les parties vertes indiquent "salon de thé", c'est donc l'endroit où les courtisanes échangeaient avec les clients avant de monter au premier étage. Dans les allées de gauche et de droite où se trouvaient les Kirimise, aucun salon de thé n'est indiqué.
Les Yujo quant à elles, étaient classifiées selon plusieurs niveaux :
Les personnages dont nous allons parler sont des courtisanes. Ce ne sont pas des Geishas, ce sont des prostituées, dont l'activité artistique est marginale dans les prestations fournies aux clients.
Officiellement, à partir de 1800, les professions étaient bien séparées et les Geishas ne devaient pas avoir de relations sexuelles avec les clients, ce qui était relativement respecté.
Dans l'univers des courtisanes, en haut de l'échelle se trouvent les Oiran (ou Tayu) : . Leurs prestations commencent toujours par un diner ou une collation. Ce sont elles qui font "rêver" dans les estampes, mais elles sont en fait très peu nombreuses.
1) Les Tayu, du nom d’une actrice de Kabuki du XVIIème siècle étaient le « grade » le plus haut.
Elles s'habillaient de kimonos très sophistiqués et avaient des coiffures complexes : les coiffures avec de nombreux peignes dans les cheveux est une création des Tayu du Yoshiwara au XVIIIème.Elles étaient assistées de Kamuro envers qui elles avaient un devoir de formation.
Elles recevaient d’abord le client dans la maison de thé autour d’une collation ou d’un dîner. Seules les réservations des clients familiers ou par le bouche à oreille étaient possibles.
La prestation peut être estimée à 800€ d'aujourd’hui.
2) Les Koshitayu attendaient le client derrière les grilles en étant placées en première ligne. La prestation commençait également par une collation ou un dîner. La prestation peut-être évaluée à 600€.
3) Les Koshijoro attendaient derrière les Koshitayu et elles montaient directement avec les clients. Selon l’établissement (Komise ou kirimise) elles prenaient de 20 à 200€.
Et enfin les plus jeunes, les Kamuro dont nous détaillerons l'activité plus loin.
Les Kamuro
Les Kamuro sont des apprenties, des jeunes prostituées de moins de 15 ans , assistantes des Tayu. Ci-dessous une Tayu avec deux Kamuro, l'une probablement de 12/13 ans (en apprentissage actif) et l'autre de 8/9 ans en assistante et en servante de la Tayu.
Les Kamuro étaient également classées en plusieurs catégories :
Les Hikikomi Kamuro (Kamuro choisies) étaient les plus douées, et étaient sélectionnées par les propriétaires de maison pour étudier les arts, avec pour objectif de devenir Tayu.
Les meilleures d’entre elles deviendront les Furisodeshinzo (à environ 15 ans). Celles-ci constituent l’élite et deviendront Koshitayu voire Tayu. Elles font leur apprentissage avec une Tayu. Au nom de la Tayu elles vont avec les clients quand celle-ci est trop occupée. C’est seulement à partir de 17 ans que la Furisodeshinzo peut traiter en direct et en son nom les clients. Furisodeshinzo peut se traduire par « Nouvelle construction à manche battante», du fait de leurs manches de Kimonos.
On a ensuite les Tomesodeshinzo : celles qui n’ont pas été choisies pour être Furisodeshinzo ou bien celles arrivées tardivement dans le Yoshiwara. Elles acceptent les clients dès 15 ans.
Les femmes arrêtaient de travailler à 27 ans et pouvaient devenir Bantoshinzo, c’est-à-dire un genre de « manager » de la courtisane, pour négocier les conditions avec les clients.
A partir de 30 ans les plus douées et les plus autoritaires devenaient Yarite: ce sont elles qui choisissent les Kamuro prometteurs et s’assurent de leur éducation. Ce sont elles également qui organisent les soirées et qui décident de l’affectation des clients. Elles assurent également la discipline. C’est le personnage le plus craint des Yujo.
Je vous invite à consulter certaines estampes qui mettent en valeur les kimonos et les coiffes :
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